NanoEco – L’Empa a organisé une rencontre internationale sur les nanoparticules dans l’environnement
Comment les nanoparticules se comportent-elles dans
l’environnement?
14 mai 2008 | MICHAEL HAGMANN
Récemment plus de 100 scientifiques du monde entier se sont rencontrés au Monte Verità près d’Ascona sur invitation de l’Empa pour y discuter des effets des nanoparticules synthétiques sur l’environnement. Bien que le domaine de la recherche «nano-environnement» soit encore jeune, des premiers résultats ont déjà été présentés. Entre autres par des chercheurs de l’Empa qui ont procédé à une estimation des flux de matière et de la distribution dans l’environnement de diverses nanoparticules à l’aide de modèles de calcul. Les conclusions de cette étude récemment publiée dans la revue «Environmental Science & Technology» et à la laquelle la revue «Nature Nanotechnology» consacre un article dans son numéro du juin: suivant le type de particules et leur domaine d’utilisation ce sont avant tout les petits cours d’eau subissant un fort apport d’eaux usées qui sont touchés; par contre, pour les particules considérées dans cette étude, les quantités attendues dans l’air et dans le sol ne sont que minimes.
Legende:Puce d’eau, Daphnia
magna (Source: Christian Rellstab, Eawag)
Une semaine durant près de 110 scientifiques de 21 pays
ont procédé à un échange
d’opinions sur les derniers résultats de la
nano-recherche et de la nanotoxicologie. Ou plus exactement sur
tout ce qu’ils ne savent pas encore. En effet ce domaine de la
recherche est encore jeune et bien des choses restent encore peu
claires. Ceci n’est guère étonnant si l’on
considère qu’il s’agit là de relations et
de questions extrêmement complexes telles que: Comment (et en
quelles quantités) les nanoparticules synthétiques
des «nanoproduits» sont libérées dans
l’environnement? Quelle est l’ampleur des nuisances
à laquelle il faut s’attendre, par exemple dans le sol
et dans les eaux? Quelles sont au juste les méthodes
d’analyse qui se prêtent à l’analyse des
nanoparticules souvent présentes en des quantités
«homéopathiques» seulement dans les
échantillons prélevés dans
l’environnement? Et quels sont les effets de ces minuscules
particules sur les poissons, les insectes, les bactéries,
les plantes – sur tout ce qui nage, rampe, marche ou vole?
Sur la trace des nanoparticules synthétiques dans
l’environnement
«Il est naturellement encore bien trop tôt pour juger
de manière définitive si les nanoparticules
constituent ou non un problème pour
l’environnement», explique Bernd Nowak du laboratoire
«Technologie et société» de l’Empa
qui avait organisé cette conférence avec des
collègues de l’Officie fédéral de
l’environnement (OFEV) et de la Duke University de Durham aux
USA. Malgré cela, cet environnementaliste est plus que
satisfait des résultats de cette rencontre. Les
échanges entre les milieux de la recherche américaine
et la scène scientifique européenne dans les ateliers
et les groupes de discussion «ont fourni de nombreuses
nouvelles impulsions et idées nouvelles.»
Des premiers résultats concrets ont aussi été
présentés. Dans un projet de coopération avec
l’Empa portant sur le comportement au délavage des
nanoparticules dans les matériaux de construction, le
chercheur de l’Eawag Ralf Kägi et ses collègues
sont parvenus à déceler pour la première fois
des nanoparticules d’oxyde de titane (TiO2)
synthétiques dans un échantillon d’eau d’un
cours d’eau suisse. Le TiO2 est utilisé par exemple
dans les peintures autonettoyantes mais aussi comme filtre solaire
physique dans les cosmétiques. Ces particules de TiO2
décelées proviennent probablement des
revêtements des façades de bâtiments – on
les trouve en effet en quantités relativement
élevées dans les eaux de ruissellement des
façades – et elles parviennent à travers les
canalisations dans les eaux de surface où elles sont
fortement diluées et donc fort difficilement
décelables. La preuve que ces particules de TiO2
étaient d’origine artificielle (le TiO2 se trouve aussi
naturellement dans le sol) a été fournie par leur
taille et leur morphologie que les chercheurs ont examinées
à l’aide d’un microscope électronique
à transmission.
Les scientifiques de l’Empa et de l’Eawag sont
actuellement en train d’équiper ensemble un nouveau
«Laboratoire des nanoparticules» permettant
d’appliquer de nouvelles techniques de mesure. De plus un
appareillage de séparation granulométrique des
nanoparticules sera couplé avec un appareil d’analyse
ultrasensible pour pouvoir procéder à l’analyse
chimique des particules ainsi «triées». Selon la
scientifique de l’Empa Andrea Ulrich, ce nouveau laboratoire
sera utilisé avant tout pour étudier le comportement
de nanoparticules telles que les nanoparticules d’argent ou
d’oxyde de titane dans les aux usées, les cours
d’eau et les lacs.
Plusieurs exposées présentés lors de cette
réunion traitaient aussi des nanoparticules naturelles.
Ainsi le chercheur américain Lawrence Murr de
l’Université du Texas à El Paso a montré
que des nanotubes de carbone (NTC) et d’autres nanoparticules
semblables étaient largement répandus dans les
échantillons d’air prélevés aux alentours
de cette ville. Des chercheurs américains ont
également isolés des NTC dans des carottes de glace
datant d’une dizaine de milliers d’années
prélevées au Groenland. Selon Murr, ces études
montrent que les nanotubes considérés jusqu’ici
comme anthropogènes – autrement dit créés
par l’homme – peuvent aussi avoir une origine
naturelle.
Particules d’un
échantillon d’eau prélevé dans un
ruisseau traversant une agglomération, micrographie
électronique à transmission. On identifie clairement
la présence de nanoparticules d’oxyde de titane TiO2
(en bas à droite). .
L’Empa simule les flux de matière des
nanoparticules dans l’environnement Pour fournir aux spécialistes en analyse un
premier indice sur les échantillons de l’environnement
dans lesquels il pourrait «valoir la peine» de
rechercher la présence de nanoparticules
synthétiques, les scientifiques de l’Empa Bernd Nowak
et Nicole Müller ont simulé sur ordinateur les flux de
matière pour trois nanoparticules différentes, soit
les nanoparticules d’argent, les nanoparticules d’oxyde
de titane et les nanotubes de carbone (NTC). Les nanoparticules
d’argent possèdent des propriétés
antibactériennes (et aussi anti-odeurs) et sont
utilisées par exemple dans l’industrie textile; les NTC
sont actuellement principalement utilisés dans
l’industrie électronique et dans l’industrie des
polymères.
Pour cela ils ont «nourri» leur modèle avec
les quantités produites de ces particules et leur
utilisation dans les différents produits ainsi qu’avec
les données sur les cycles de vie attendus des
différents «nano-produits» - soit utilisation,
durée de vie ainsi que les modalités de leur
recyclage ou de leur élimination. Pour chaque stade, les
scientifiques de l’Empa ont estimé la libération
de nanoparticules dans l’environnement et ont
modélisé le comportement des particules par exemple
lors de l’incinération des produits
éliminés dans une usine d’incinération
des ordures ménagères (UIOM) ou lors de
l’épuration des eaux usées dans une station
d’épuration des eaux (STEP). Les quantités ainsi
calculées de particules libérées dans les
différents écosystèmes – dans l’air,
les lacs et les cours d’eau et dans le sol – ont
été comparées avec les concentrations pour
lesquelles les études toxicologiques n’ont
décelé aucun effet négatif sur les organismes
vivants. Cette comparaison fournit ce qu’on appelle un
quotient de risque pour les différents
écosystèmes pour les particules
étudiées, une procédure usuelle qui est
utilisées dans toute l’Union européenne pour
l’éclaircissement des risques découlant des
produits chimiques.
Les risques calculés pour les différentes
nanoparticules diffèrent nettement entre eux, ainsi que
Nowak et Müller l’ont maintenant publié dans la
revue scientifique «Environmental Science &
Technology». Ainsi, par exemple, «les produits
renfermant des NTC sont le plus souvent soit recyclés, soit
finissent dans une UIOM», explique Nowak. Là ces
nanotubes de carbone brûlent an majeur partie ou sont retenus
efficacement lors du filtrage des effluents gazeux. Ces simulations
montrent que les particules de TiO2 pourraient par contre
très bien apparaître en des quantités
«plus grandes» dans les petits cours d’eau dans
lesquels s’écoulent de grandes quantités
d’eau issues de stations d’épuration. Il serait
indiqué de procéder là à des analyses
plus précises pour trouver entre autres si ces
nanoparticules polluent effectivement ces cours d’eau avec les
quantités calculées, car «dans un environnement
aqueux de nombreuses nanoparticules s’agrègent
très facilement pour former des microparticules plus grosses
qui se déposent dans les sédiments»,
précisent les scientifiques de l’Empa.
Les puces d’eau
(Daphnia magna) qui réagissent de manière
extrêmement sensible aux polluants sont fréquemment
utilisées pour les études toxicologiques pour trouver
quels sont les effets des nanoparticules sur les organismes
aquatiques. (Photographie: André Künzelmann,
Helmholtz-Zentrum für Umweltforschung UFZ, Allemagne)
Les études toxicologiques à long terme sur
des organismes modèles font encore
défaut
Différentes études toxicologiques sur des cellules et
des «organismes modèles» tels que des poissons,
des puces d’eau, des algues et des bactéries ont aussi
été présentées. «Personne
n’a encore agité de drapeau rouge, jusqu’ici tous
considèrent que les nanoparticules ne posent pas de graves
problèmes environnementaux», résume Bernd
Nowack. Toutefois, comme il l’indique, à cette
restriction près que jusqu’ici seuls les effets aigus
ont été étudiés. «Des
résultats d’études à long terme font
encore défauts.»
Par ailleurs, le chercheur de l’Empa Harald Krug a
montré de manière impressionnante que les tests
actuellement couramment utilisés pour la
détermination de la toxicité des nanoparticules ne
fournissent pas toujours des résultats fiables. Ils peuvent
en effet parfois fournir des résultats «faussement
positifs» qui font classer comme toxique une particule en
fait inoffensive – par exemple par le fait que les
nanomatériaux examinés, tels que les nanotubes de
carbone, réagissent directement avec les produits chimiques
utilisés pour tester la «fitness» des cellules
– et faussent ainsi les résultats.
Renseignements:
Dr
Bernd Nowack, Technologie et
Société, , Tel.
+41 71 274 76 92
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