Des nanofils de silicium pour la spectroscopie Raman
Des manipulations d’une précision inconnue jusqu’ici
L’analyse des caractéristiques des matériaux dans le domaine nanométrique est une des spécialités du nouveau laboratoire «Technique des matériaux et nanotechnique» de l’Empa à Thoune. L’équipe de Johann Michler étudie la structure interne des solides à l’aide de ce que l’on nomme la spectroscopie Raman en champ proche à amplification de pointe de pointe: un faisceau laser balaie la surface de l’échantillon et met les molécules de cette dernière en vibration. Lors de cela, les molécules absorbent une partie de la lumière pour la réémettre à nouveau plus tard. Cette „diffusion Raman“ est spécifique pour un grand nombre de matériaux et de substances chimiques – pour ainsi dire leur «empreinte digitale optique» Ceci permet d’une part de déduire de quoi l’échantillon est composé et d’autre part de déterminer s’il est entaché de défauts ou présente des contraintes mécaniques internes. |
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Un spot laser amplifié localement rend les molécules visibles Jusqu’ici les chercheurs tels que Michler et sa collègue Silke Christiansen de l’Institut Max Planck à Halle se trouvaient toutefois confronté à un problème. Pour pouvoir, à l’aide de la spectroscopie, détecter les contraintes mécaniques dans les composants les plus minuscules, il est nécessaire d’amplifier localement le spot laser. Pour cela on utilise une pointe métallique, de taille et de forme d’une précision qui devrait idéalement atteindre l’ordre du nanomètre – chose jusqu’ici techniquement impossible. Cette technique de mesure n’était ainsi pas suffisamment sensible pour permettre un contrôle des matériaux à l’échelle du nanomètre et déceler leurs défauts les plus infimes. Une question que se posent les scientifiques depuis des décennies est la suivante: comment rendre les molécules visibles à l’aide de rayons laser? Les longueurs d’onde les plus courtes du spectre du rayonnement laser atteignent jusqu’à un micromètre (1000 nanomètres). La taille des molécules n’atteint elle que quelques nanomètres et ne peuvent ainsi pas être rendues visibles (ou résolues) par ces ondes lumineuses. Le chimiste américains Martin Fleischmann, dont les expériences optiques ont entre autres révolutionné la spectroscopie Raman, a découvert en 1974 un moyen de «leurrer» les ondes lumineuses.» Il a découvert qu’une pointe arrondie recouverte d’or ou d’argent permettait d’obtenir un couplage laser-molécule efficace. Ceci rend la méthode Raman notablement plus sensible; théoriquement il devient ainsi possible de mettre en évidence des molécules isolées. En pratique jusqu’ici c’est la finesse des pointes qui est le facteur limitant de la résolution. L’or vaporisé sur la pointe se solidifie sous les formes les plus diverses et la taille et la forme des pointes obtenues varient un peu à chaque fois. «Sous le microscope électronique, une telle pointe ressemble au Cervin» explique Michler. Mais pour suivre avec une précision spatiale de l’ordre du nanomètre comment par exemple un composant microélectronique change dans le temps, les pointes doivent elles aussi être identiques au nanomètre près car c’est à cette condition seulement que les résultats de mesures sont comparables. |
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Des nanofils de silicium avec des têtes d’or identiques Michler et Christiansen ont maintenant développé une nouvelle méthode pour obtenir des pointes Raman plus fines: ils synthétisent sur une plaque de silicium des nanofils de silicium pourvus d’une tête d’or. Ces nanofils croissent comme les tiges d’herbe d’un gazon mais à la différence de l’herbe, leur longueur n’est que de quelques micromètres et leur diamètre peut varier de 25 à 500 nanomètres. Le plus important c’est que ce tous ces fils possèdent une tête d’or identique et parfaitement ronde. Plus trace de Cervin mais plutôt une ressemblance avec la coupole du Palais fédéral. Sous le microscope électronique, le nanofil est ensuite soudé sur un support. «Ceci nous permet de voir les fils et de diriger avec précision où les positionner pour les monter» explique Stephan Fahlbusch, le spécialiste des nano-outils dans l’équipe de Michler. A l’aide d’un joystick lui et son collègue Samuel Hoffmann guident le support vers un nanofil. Un bref mouvement du joystick et le fils est collé sur la pointe pour y être ensuite soudé au moyen d’un faisceau d’électrons. Fahlbusch peut alors utiliser la pointe pour la spectroscopie Raman. Un test réalisé par ses collègues de Halle montre la sensibilité de cette nouvelle méthode: la pointe est déplacée au-dessus d’une couche moléculaire de vert de malachite. Bien que seules des molécules isolées de colorant reposent sur le support, elles fournissent un signal Raman bien défini. La résolution atteinte est suffisamment élevée pour par exemple mesurer les contraintes mécaniques internes dans des semi-conducteurs. Ces contraintes internes sont importantes car elles fournissent des indications sur les défauts et la fatigue des matériaux. |
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Prochaine étape: l’automatisation La méthode de production de nanopointes pour la spectroscopie Raman développée par Michel constitue un progrès considérable – surtout pour le projet Nanohand de l’UE auquel l’Empa participe depuis 2006 avec des partenaires de France, d’Allemagne et de Suisse. Ce projet est consacré au développement d’un nanorobot pour l’industrie des semiconducteurs. Ce robot doit permettre de manipuler des éprouvettes miniatures sur une plateforme dans un microscope électronique à balayage et de confectionner ces pointes intervention humaine. Cette production automatisée – et l’abaissement des coûts qui y est liée – permettra d’élargir aussi le domaine d’utilisation des nanopointes, par exemple en chimie analytique. Ainsi par exemple, la criminalistique ou l’hygiène hospitalière pourraient profiter du potentiel de la nanomanipulation si dans l’avenir une seule molécule isolée de cocaïne décelée sur le veston d’un suspect pouvait suffire à l’incriminer ou la découverte d’une seule bactérie mortelle pouvait déclencher des mesures de quarantaine salvatrices.
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